Transparent Postcards

Transparent Postcards

jeudi 13 mai 2021

Boato (Elza Soares)

Après être rentré au milieu de la nuit, après l'avoir appelée pour lui confirmer que j'étais arrivé à bon port, je me suis endormi presque tout de suite, mais au bout d'une heure de sommeil j'ai été réveillé par une pluie torrentielle, par le boucan que faisait le velux au dessus de ma tête en s'interposant entre les durs jets absurdes de violence liquide et mon lit souple empli de douces images absurdes, nocturnes et liquides.

Le sommeil mis en cendres par le souvenir ardent de nos baisers, j'ai voulu écouter les liens qu'elle m'avait confiés vers la musique d'Elza Soares....Mon projet paraissait simple : il s'agissait de jeter juste une oreille dans le chaudron inconnu, pas mon âme toute entière.

Moi naïf, qui croyais pouvoir amener mon esprit en petite promenade, comme on le ferait avec un chien pour le pipi du soir avant l'extinction des feux.

Avais-je totalement oublié les cours de chimie du lycée ?

J'aurais dû me douter que jeter dans un chaudron mon oreille, déjà enflammée elle aussi par la douceur ardente et exquise de nos baisers, n'allait éteindre aucun feu, au contraire, cela risquait de provoquer des explosions.
Mais aucune formule mathématique n'aurait pu prévoir le genre de détonations qui se sont produites cette nuit, à l'écoute de ses deux derniers albums d'abord, puis, après avoir parcouru l'abasourdissante biographie d'Elza, à l'écoute de ses premiers enregistrements, que je parcourais avec ce qui restait d'humain dans mon oreille, en remontant la chronologie phonographique d'Elza avec la même fièvre que celle qui saisit le capitaine Marlow lors de sa remontée du Congo, au cœur des ténèbres dessinées par Conrad.
Une fièvre d'apocalypse, en somme, transmise par la voix d'une femme au bout du monde.